Des jeunes font peur aux hiérarques. Une explication du virage nationaliste de M. Xi alors que se clôture ce 11 novembre 2021 le 6eme plenum du Comité central du Parti communiste chinois.
Alors que se clôture, ce jeudi 11 novembre 2021, le 6eme plenum du Comité central du Parti communiste chinois. quelles sont les grandes évolutions de la Chine, telles que le rappelle la presse occidentale ? A l’international, une grande confrontation avec les Etats-Unis et le risque d’une guerre pour Taiwan. A l’intérieur, la surveillance accrue, le virage de l’économie vers la consommation intérieure et la concentration du pouvoir. Explication : C’est le grand retour du nationalisme à tout crin et d’un Xi Jinping assoiffé de pouvoir. C’est certainement vrai. Mais, dans toute analyse, il y a les faits bruts, l’actualité immédiate. Et les tendances longues - surtout en Chine.
Je relisais, il y a quelques jours, un livre majeur de l’immense historien Fernand Braudel, « Grammaire des civilisations » (Flammarion, Champs, 12 euros). Il relève, à propos de la Chine, un mot : « koming ». Celui-ci traduit notre mot de révolution. Mais en Chine, il signifie « retrait du mandat ». En effet, dans l’ancienne Chine – mais a-t-elle été réellement effacée ? - l’Empereur gouverne en vertu d’un mandat du Ciel et sous le signe de la vertu. Les grandes révoltes populaires, ces grands mouvements populaires, de millions d’individus, qui, comme une vague puissante, ravagent tout sur leur passage, sont considérées comme le signe avant-coureur d’une déchéance de ce mandat et de l’Empereur lui-même. L’Empereur n’a alors que deux solutions : soit sa politique lui permet d’éviter ces révoltes. Soit il convient de les détruire en jetant un masque opaque sur le fait, ses causes et ses conséquences – en Chine comme à l’étranger.
En lisant, je me remémorais une étude prospective que j’avais mené, en 2018, pour deux grandes entreprises internationales – une industrielle et l’autre bancaire. Elles voulaient obtenir une vision des possibles évolutions de la jeunesse mondiale, notamment chinoise – en clair quelle tête auront leurs futurs collaborateurs et consommateurs. J’avais été frappé alors par la rage et le désarroi submergeant la jeunesse chinoise. Rage, c’est le mouvement « fenqing », soit jeunesse en colère. En s’inspirant des Gardes rouges, qui dans les années 1966-1968, manipulé par Mao ravagèrent le pays – cette « fenqing » dénonce la compétition, le culte de l'argent, l'absence de valeur ou de parole à qui se référer. Un poème, auquel j’ai eu accès, y fait écho :
Celui qui a porté le brassard rouge, qui a été garde rouge, dispose
De tout le bagage nécessaire pour s’en sortir en ce monde
(…)
Une nation qui s’est engagée dans une voie démoniaque ne peut
Qu’engendrer une génération de démons.
Désarroi aussi, une grande partie de la jeunesse chinoise, se nomme la génération « sang » qui signifie enterrement. Il y a désormais des chansons « sang », émissions « sang » etc… Ces jeunes « sang » se révoltent contre les « fu er dai » soit deuxième génération de riches, minorité visible composée de jeunes de 20-25 ans au volant de Ferrari – souvent les fils des empereurs rouges.
Le Parti, inquiet de la montée de ces mouvements a depuis longtemps pris conscience des risques et a mis en place des solutions : camps « chiku » de formation militaire noté pour développer un esprit d’équipe ou campagne de propagande demandant aux jeunes d’être courageux et à la hauteur des défis de l’époque. Mais cela n’a pas semblé suffisant. La vague est trop forte et pourrait mettre en cause le mandat du Ciel, le koming. Heureusement pour M. Xi, ces jeunes, nous l’écrivions alors, sont très sensibles à « l’effet cheveux gris » et s’attendent à un homme fort comme modèle qui comprennent leurs aspirations et craintes. Aspiration : le nationalisme. Aspiration : une économie tournée vers la consommation intérieure pour approcher les « fu er dai ». M. Xi le leur donne
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